« On ressentait les mouvements de l’autre, à l’instinct ». Rio Ferdinand a, pendant plus de quatre ans, formé une des meilleurs charnières au monde avec Nemanja Vidic. Sereins, combatifs et appliqués, le duo fut l’une des plus belles réussites de l’ère Alex Ferguson. En 2006, les Red Devils récupèrent un défenseur serbe qui sort d’une grosse saison avec le Spartak Moscou. A côté de Rio Ferdinand, au tacle soyeux et la relance sereine, il faut un guerrier. Qui de mieux que le Serbe d’Acier, repéré pour son jeu de tête et son impact physique ? L’association est plus une immense réussite. La paire est redoutable. Entre 2006 et 2013, le natif d’Užice permet à son joueur de souffler cinq titres de champion du Royaume et une Ligue des Champions. Un soir de mai 2008, à Moscou, United affronte la seule équipe anglaise capable de rivaliser avec lui : Chelsea. Vidic a donc une nouvelle fois droit à son duel de brutes avec Didier Drogba, qu’il arrive à museler. De l’autre côté du terrain, John Terry se farcit Ronaldo, Rooney et Tevez. Alors qu’il a la C1 au bout du pied, ses crampons le trahissent et le ballon finit sur le poteau de Van Der Sar. L’Anglais regarde Vidic soulever la plus prestigieuse des coupes. Il finira par la soulever, en 2012, sans avoir joué la finale car suspendu.
Une certaine idée de la défense
Aux côtés de Ferdinand pour l'un, et de Carvalho pour l’autre, les deux défenseurs ont brillé pendant des saisons. Si ses dernières années passées à Manchester furent plus de l’ordre du cauchemar que du rêve, Nemanja Vidic aura à jamais marqué les esprits des supporters mancuniens. Empereur des airs et découpeur précis, le Serbe s'est très vite imposé dans le 11 de Sir Alex, forcé de replacer ou de sortir Silvestre, O’Shea ou Brown. Alors que Vidic arrive, John Terry est déjà un taulier à Chelsea. Il a explosé trois ans plus tôt grâce à José Mourinho et a découvert les Three Lions avec Ferdinand et en lieu et place de Sol Campbell. Titulaire à Chelsea puis en sélection, Terry devient un joueur clé. Il partage avec Nemanja Vidic un goût certain pour le contact viril et le sacrifice. Comme cette finale de League Cup en 2007 face à Arsenal où il n’hésite à pas à plonger pour marquer, au risque de se prendre le pied de Diaby en plein poire. Et ce qui devait arriver arriva. Un petit tour à l’hôpital plus tard, John refoule les pelouses, comme après une prise de sang.
Vidic, lui, n’est jamais aussi bon que quand il est abandonné, seul face à deux attaquants. Plutôt rapide pour sa corpulence, ses tacles emportent tout. Le ballon, parce que ça reste le but premier, mais, si possible, une rotule avec, pour ne pas faire le travail à moitié. Si son coéquipier Ferdinand se distingue par sa propreté, Vidic est très peu branché poésie. Peu importe, ses qualités d’anticipation, son timing et ses buts sur corner font de lui le meilleur. Défenseur tacleur, et aussi défenseur buteur (21 buts avec Manchester en huit ans), il porte même le brassard alors que Scholes et Giggs traînent encore leur carcasse sur les vertes pelouses de sa majesté. A Chelsea, c’est du tout pareil pour John Terry, qui obtient lui aussi le brassard du club, avant de perdre celui de la sélection. Buteur le plus prolifique de Premier League avec plus de 40 pions, il aura souvent été décisif. En une phrase, John Terry, c’était : « L’importance d’être constant ».
Mais que fait la relève ?
Loin de nous l’idée d’enterrer John Terry, idole de Chelsea. A 35 ans, il formait encore avec Gary Cahill une défense solide et complémentaire. Et à l’âge où de nombreux défenseurs enchaîneraient les boulettes, il a su conserver cette régularité qui a bâti sa carrière. Associé à Carvalho, Ivanovic et Alex, il a survécu à tous les entraîneurs et à toutes les crises. Mais cette année, Chelsea coule, doucement mais surement. Le capitaine est toujours sur le navire, mais plus aux commandes. L’arrivée de Kurt Zouma, le « nouveau Marcel Desailly » - oui, oui, on l’entend – est encourageante mais le jeune Français semble un peu léger encore pour le très haut niveau. Gary Cahill est sur une forme décadente, Terry joue nettement moins, et c’est toute une défense qui lâche. Stamford Bridge attend un successeur, et il faudra avoir de sacrés épaules pour prendre la place du désormais ancien taulier, qui pourrait quitter son club de cœur à la fin de la saison sans toutefois prendre sa retraite sportive.
A Manchester, le classement (5e) masque une fébrilité défensive qui date de trois ou quatre ans. L’ancienne force de Manchester est devenue une de ses faiblesses. Phil Jones, arrivé en 2010, stagne, et Chris Smalling peine à sauver le fragile équilibre défensif des Red Devils. Blind porte depuis quelques mois le costume de pompier de service, mais la défense reste le chantier numéro 1 de Manchester United, qui refuse (Hummels ?) ou échoue (Ramos) à recruter un cador pour sa charnière. Les blessures à répétition de Rojo, Valencia et Shaw n'aident pas à stabiliser une bribe de défense potable. Parti à l'Inter en 2014 pour un barroud d'honneur, Vidic n'était plus le roc d'Old Trafford depuis déjà quelques années, la faute à de vilaines blessures. Conscient que son corps lui a dit "stop", il a préféré terminé sa carrière honorablement. Mais Dieu sait s'il manque à Manchester...