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Platini suspendu : de qui se moque-t-on ?

Platini suspendu : de qui se moque-t-on ?
Michel Platini

La FIFA n'est plus à une farce près comme dirait Michel. En effet, cette dernière l'a suspendu 90 jours pour une affaire qui tient plus du politique du judiciaire. Une décision qui détonne autant qu’elle interroge sur l’impartialité d’une commission d’éthique qui n’a rien d’exemplaire. Réglements de compte dans un monde global, vengeance ourdie par Sepp Blatter, opération de communication qui profite avant tout à ceux qui sont absents: retour sur cette affaire en quelques prises de position.

L'éthique en bandoulière, l’aveuglement pour seul critère

Jamais à l'abri d'une nouvelle blague, l'institution sise à Zurich n’arrête plus de nous faire rire en cette fin de semaine. Tout d’abord, elle a suspendu via sa commission d’éthique, son Président pour une durée anecdotique, en attendant que les enquêtes aboutissent... Exit provisoirement Sepp Blatter. Il était temps, me direz-vous, puisque cela fait bientôt plus de dix ans que la présidence de la FIFA pose problème. Quiconque lira le dernier livre d’Andrew Jenkins, Scandale à la FIFA, en aura d’ailleurs des sueurs froides.

Organe soi-disant indépendant et qui a besoin de le revendiquer pour le prouver, cette commission s’est aussi attribuée le même jour, les scalps de Jérôme Valcke, Chung Mong-Joon et de notre Platini national. Ainsi, au mépris de toute présomption d’innocence, l’ex numéro 10 de la Juventus titulaire de la présidence de l’UEFA est-il suspendu de toute activité dans le football pour une durée de 12 semaines. Une mascarade dissimulée fort maladroitement qui vise à l’associer aux agissements reconnus des autres protagonistes. Qui se ressemble s’assemble comme le dit le proverbe. La volonté est claire : le salir, le discréditer et le faire apparaître à l’instar des autres prévenus, comme quelqu’un qu’il faut condamner.

Tous pourris, tous coupables, Platini compris ?

Pour autant faut-il y croire et douter de la sincérité de ce dernier ? Être suspendu par Hans Joachim Eckert, le très germanique Président de la commission d’éthique, est en soi une reconnaissance de probité pour le Français, quand on sait que c’est lui qui enterra et caviarda le rapport Garcia…

D’aucuns crieront: "Enfin ! Il était temps !" Et ils auront raison en ce qui concerne le secrétaire général de la FIFA et son collègue coréen. Ne plus les voir n’empêchera personne de dormir et la justice les rattrapera bien assez vite. Pour autant, l’attaque portée à l’encontre de Michel Platini est d’une toute autre nature. Elle vise simplement à l’éliminer car il peut emporter la prochaine élection, et plus encore à l’empêcher de faire à l’échelle de la planète ce qu’il a fait à l’échelle du football européen, c’est à dire assainir, contrôler et réformer. Peut-être Michel Platini a-t-il des choses à se reprocher ? Même si on ne saurait y croire, c’est à la seule justice de trancher.

Reste que la ficelle est un peu grosse et la manoeuvre risque fort bien de fonctionner. Malgré le soutien de la Confédération sud-américaine - décapitée par le FIFAgate -, l’appui d’une bien faible FFF qui a d’ores et déjà fait appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), notre furioclasse est mal en point. Lâché par une Allemagne qui se pique de vertu, en oubliant le passé de F.Beckenbauer et les conditions d’obtention de de la Coupe du monde en 2006, Michel Platini se découvre un rival dans son propre camp: l’habile représentant allemand, Wolfgang Niersbach, qui s’imagine peut-être un destin de Président. Sans parler de son compatriote, Thomas Bach, Président actuel du CIO et ancien proche de Horst Dassler, dont on mesure bien l’opportunisme quand il s’exprime sur l’affaire en réclamant un candidat indépendant, crédible et extérieur à toute affaire…

Le chant du cygne ou le rebond du vainqueur

De plus en plus contesté et esseulé, Michel Platini risque donc d’être désavoué par son propre camp et ses partenaires. Les soutiens demeurent pourtant nombreux mais ils ne péseront rien à l’heure de jouer le trouble jeu du pouvoir et de valider sa candidature en vue de février prochain. En effet, la commission qui valide les candidatures à la présidence de la FIFA s’appuie dans toute son auguste indépendance, sur les recommandations de la non moins indépendante commission d’éthique. Celle-là même qui a statué sur la suspension de l’ancien joueur de Nancy et qui a conduit indirectement Issa Hayatou, l’exemplaire allié de Sepp Blatter, sur le trône vacant d’une présidence vouée à rester intérimaire.

Le pessimisme est donc de mise, et l’on sent déjà la résignation poindre, même si Michel Platini assure qu’il n’abandonnera pas. D’autres se sont hélas chargés de la sale besogne. Et si sa suspension l’empêche de faire campagne, elle l’assure presque assurèment de candidater. Sauf à repousser les élections et à ce que la justice bien lente dans ces affaires n’agisse en temps et en heure.

Théorie du complot et géopolitique du sport : à qui profite la suspension ?

Platini écarté, les premiers vainqueurs sont asssurément ses adversaires potentiels ou déclarés. Le camp du prince jordanien, Ali Bin Al Hussein, devait être en liesse au matin de l’annonce de la suspension du Président de l’UEFA. C’est lui désormais le favori si la candidature du Français est défintivement enterrée.

Du côté du puissant Koweiti Ahmad al-Fahad al-Sabah, les sourires devaient également être de rigueur s’il ose s’afficher en pleine lumière. Zico et Jérôme Champagne quant à eux peuvent également y croire et exister dans la campagne, sans parler des autres candidats déclarés et moins médiatiques: David Nakhid, représentant de Trinidad et Tobago, la patrie de Jack Warner, le libérien Segun Odegbami et le Sud-Africain Tokyo Sexwale.

Plus étonnamment, au vu du point de départ de cette affaire, l’instruction initiée par les instances judiciaires américaines et le FBI, on peut légitimement se demander si les Etats-Unis n’ont pas un quelconque intérêt dans l’affaire et une idée claire de ce qu’ils veulent faire. Outre la pression mise par les top sponsors américains de la FIFA pour que tout s’accélére, il est aussi essentiel de se rappeler que le FIFAgate a éclaté au grand jour au moment où les Etats-Unis et l’Angleterre se sont sentis floués lorsque les Coupes du monde 2018 et 2022 ont été respectivement attribuées à la Russie de Vladimir Poutine et au très médiatique Etat adversaire de l’Arabie Saoudite qu’est le Qatar.

Au regard de l’importance des organisations sportives dans le monde actuel et de ce que l’on appelle le soft power, la prochaine candidature pour les Jeux Olympiques de 2024 opposant Los Angeles à Paris n’est peut-être pas pour rien dans l’accélération médiatique du scandale. Surtout quand on sait la perméabilité et les profondes connexions entre le CIO et la FIFA, et la proximité de leur mode de décisions.

En tous cas, une chose est sûre au delà des hypothèses, Michel Platini est le dindon sacrifiel de la farce et la victime de l’affaire. Peut-être l’a-t-il cherché ? Peut-être n’a-t-il rien fait ? Peut-être n’est-il qu’un dommage collatéral ? Ceci étant, aujourd’hui, sa candidature à la FIFA a du plomb dans l’aile.

Retrouvez un autre article sur le même sujet rédigé par Jean-Baptiste GUEGAN : Platini suspendu : une crédibilité en question

 

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