On avait un peu la tête qui tourne dimanche du côté de Bordeaux. Entre tous ces mecs qui roulent à gauche dans leurs camping-cars, ces litres de bière avalés et un final en apothéose avec la victoire des hommes de Coleman, la cité du vin s’est réveillée avec des Doliprane. Mais avec un grand sourire sur la tronche. Lens piaffe déjà d’impatience.
Après les tristes affrontements de supporters à Marseille ou encore à Nice, la rencontre et l’atmosphère entourant la rencontre entre le Pays de Galles et la Slovaquie a fait office d’un gros bol d’air. Les supporters des Dragons avaient investi Bordeaux dès jeudi et emmené dans leur baluchon une bonne humeur communicative. Les locaux nous affirmaient déjà, dans un large sourire : « Ils sont déjà là depuis quelques jours, on peut pas les louper (rires). » Ils n'ont pas tort car une fois le panneau d’entrée de la ville franchi, les maillots rouges aux couleurs des Gallois pullulent. En terrasse (souvent), près des quais ou encore massés dans les rues du centre-ville, les fans inondent la ville de leur bonheur, celui de participer à une grande compétition depuis la Coupe du Monde 1958. Forcément, ça date et il fallait marquer ce retour au premier plan au fer rouge.
En face, les Slovaques se font plus discrets mais il n’est pas rare de voir des supporters des deux nations converser tranquillement, drapés de leurs couleurs respectives. L’heure du match approche et il est alors temps de prendre la direction du Matmut Atlantique. Un pass « Euro 2016 » au prix de 3 euros est nécessaire pour prendre place dans le tram puis dans les navettes mises à disposition par la ville afin de se rendre dans l’enceinte bordelaise. Il est environ 16h30 et les Gallois se massent et chantent à tue-tête dans leur nouveau moyen de locomotion. Gareth Bale et Hal-Robson Kanu ont les faveurs des sopranos Britanniques. Comme le "I Love you Baby" de Franck Sinatra.
Une fois arrivés au terminus, on se presse pour attraper la navette menant au stade. Le bus est archi blindé et ça saute de partout, le tout dans une ambiance bon enfant. Les odeurs de transpiration et de houblon inondent le bus, mais peu importe, les Gallois et les locaux sont heureux d’être là. Même si certains supporters ont quelques soucis de digestion et se demandent s’ils auront la force nécessaire pour tenir les 90 minutes. Sous le soleil, les centaines de Dragons sont déversés sur la terre ferme et se dirigent tranquillement vers l’écrin girondin. Le temps de prendre quelques photos souvenirs et de se jeter un peu de liquide dans le gosier.
Derrière un but, c’est une vraie marée rouge qui investit les lieux et qui s’égosille à l’entrée des siens. L’hymne national gallois est repris toutes gorges déployées par les Gallois et hérisse les poils des spectateurs. Et dès la dixième minute, Gareth Bale embrase la tribune des siens en ouvrant le score sur coup-franc. Les Gallois sont dominateurs, sous l’impulsion de Joe Allen et Jonathan Williams, mais le score étriqué permet aux Slovaques d’y croire encore. Les supporters gallois se tendent, observant l’incapacité de leurs protégés à se mettre à l’abri. Ils se relaxent en sifflant copieusement le capitaine slovaque Martin Skrtel à chaque touche de balle. Mais à l’heure de jeu, Ondrej Duda égalise et fait taire toute une tribune. Les Slovaques ont désormais l’ascendant et les fans gallois mettent du temps à reprendre leurs chants, assommés par cette égalisation. Mais l’espoir renaît avec le nouvel entrant, Hal-Robson Kanu. Ce dernier, plébiscité dans les chants gallois d’avant-match, vient délivrer presque tout un stade, toute une nation, à dix minutes du terme en trompant Kozacik. La fin du match est tendue mais les Gallois tiennent bon. Ils verrouillent leur premier succès dans la compétition.
Visiblement éreintés par cette partie indécise, les Britanniques rejoignent tranquillement leurs navettes pour le centre-ville. La victoire est fêtée comme il se doit dans les bars et restaurants. Certains s’offrent une pizza Domino’s ou une balade le long de la Garonne quand d’autres observent la prestation de leurs futurs adversaires anglais. Avant 23h, une légère secousse fait trembler Bordeaux : la Russie a égalisé. L’épilogue d’une journée parfaite. Il est alors l’heure de se coucher, fatigué, certainement alcoolisé, mais heureux, tellement heureux. « Lens, we are coming ! »