« Tous les hommes doivent mourir », nous dit Game of Thrones. « Toutes les équipes doivent partir », lui répond l’Euro. Qu’on soit en poules ou en finale, à Westeros ou à Essos, l’aventure arrive toujours à sa fin. Ce soir, le Pays de Galles de Gareth Bale en sera d’ailleurs plus proche que jamais. Ca, ce n’est pas un cœur belge ou une âme galloise quelque peu pessimiste qui le disent mais bel et bien les faits. Les bookmakers déjà. Vous ne trouverez pas un seul site de pari sportif qui vous offre une meilleure cote pour une qualification belge. Non. Pas plus que vous ne trouverez trace dans les pronostics d’avant-compétition des fans de toute l’Europe d’une présence galloise en demi-finale plus massive qu’une qualif’ belge dans le dernier carré. C'est comme ça. Ce soir, la Belgique sera la grande favorite. Point barre. Les Gallois vont être amenés à se dépouiller et forcément, entreront sur le terrain lillois avec une conviction moins grande de se retrouver en demies que celle des Diables Rouges. Eu égard aux motivations et aspirations de chacun. C’est juste la loi du sport. Les Dragons se dirigent vers la sortie...
Gallois des séries
Le Pays de Galles n’avait pas vraiment imaginé se faire secouer par l’Irlande du Nord en huitièmes de finale. Et, ce, alors qu’il était annoncé grand favori. Il s’en est pourtant sorti grâce à un but contre son camp tombé du ciel à quinze minutes de la fin. Preuve que les partenaires d’Aaron Ramsey ne sont pas inébranlables et que chaque minute dans cet Euro les rapproche de leur sortie. Preuve aussi – inversée – qu’un petit peut toujours venir chatouiller un favori. Coucou l’Islande. « Si la Belgique a de meilleurs joueurs que le Pays de Galles, les Gallois sont bien plus organisés, avec de la structure et une stratégie, » avance le journal britannique The Independent, histoire de donner une forme de consistance aveugle au football pratiqué par les Dragons. Oui, les Gallois ont une identité de jeu clairement définie, celle-là même qui a dominé tout leur tournoi. Une identité qui les pousse à attendre que leur adversaire fasse un mouvement, façon échecs, et à s’y adapter en conséquence. Le défaut d’une équipe nord-irlandaise face à au onze russe laminé 3-0 par les Gallois ? Elle ne proposait rien, mettant en surbrillance l’idée que les hommes de Chris Coleman n’agissent pas mais réagissent. Ca tombe bien pour eux, les Diables Rouges sont très portés action. Manque de bol pour les Dragons, depuis le début de l'Euro, ça rime souvent avec combustion pour la meilleure attaque du tournoi et ses huit buts qu’ils vont devoir contenir.
Philosophie des vainqueurs
Pour son éventuelle dernière sortie dans cet Euro, le Pays de Galles va donc évidemment souhaiter ne pas connaître un destin à la hongroise. Pour leur dernière, après un premier tour de grande classe, les Magyar se sont vus écrasés 4-0 par Eden Hazard et sa bande. Tiens donc. Par ailleurs, au-delà de son parcours de Petit Poucet, le groupe gallois a déjà réalisé quelque chose d’immense en faisant mieux que son rival anglais, disparu sans gloire au tour précédent. « Ce soir, le pays de Galles va entrer sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy pour atteindre l’immortalité, écrivait ce matin le Western Mail. Mais son parcours est déjà digne d’entrer dans l’Histoire, une histoire qu’ils ont bâtie eux-mêmes. » Alors, comment envisager une belle sortie de route, chers gallois ? Comment mettre un point final grandiose à une compétition historique qui aura rendu le peuple fier comme jamais ? En jouant sur ses qualités – déjà – et en restant généreux. En répondant aux individualités belges par un courage collectif sans faille. En cessant de croire ce qu’ont fait l’erreur d’écrire les journaux gallois, à savoir que la Belgique n’a que des talents éparses à proposer à défaut d’un bloc solide. Il leur faudra livrer bataille en se sachant « joueurs qui sont déjà allés trop loin dans la compétition » et évidemment croire fermement à une fin de rêve pétillante. Car - instant philosophie - c’est peut-être en rêvant d’une sortie pleine de gloire qu’on en retarde l’échéance. La clef serait-elle alors d’envisager une fin resplendissante ? Peut-être. Valar Morghulis* a du sens au pays des Dragons. Les Gallois peuvent mourir mais, comme l’a un jour dit Thierry Roland, rien ne leur interdit de céder le plus tard possible.
* ‘’tous les hommes doivent mourir’’ en haut valyrien, langue fictive de la saga Game of Thrones